Demeure de Beorn
an 2941
Au bout d’un moment, ils parvinrent à une ceinture de chênes immenses et plusieurs fois centenaires. Un peu plus loin se dressait une haute haie épineuse, trop dense pour voir ou passer à travers.
« Vous feriez mieux d’attendre ici, dit le magicien aux nains, et quand vous m’entendrez siffler ou crier, venez me rejoindre – vous verrez par où je passe –, mais seulement par paires, je vous prie, à intervalles de cinq minutes. Vu son tour de taille, on dira que Bombur compte pour deux : qu’il vienne seul et en dernier. Venez, monsieur Bessac ! Il y a une porte quelque part par là. » Sur ce, il se dirigea le long de la haie, entraînant avec lui le hobbit effrayé.
Ils se tinrent bientôt devant une barrière en bois, large et haute, derrière laquelle se trouvaient des jardins et un ensemble de constructions en bois, plutôt basses, parfois couvertes de chaume et faites de rondins : granges, écuries, remises, de même qu’une maison en bois, basse et allongée. Derrière la haie, du côté sud, se voyaient plusieurs rangées de ruches avec des toits de paille en forme de cloche. Le vrombissement des abeilles géantes qui s’affairaient autour des ruches remplissait le jardin.
Le magicien et le hobbit poussèrent la lourde barrière grinçante et suivirent un large sentier vers la maison. Quelques chevaux, au poil lustré et bien brossé, trottèrent jusqu’à eux dans l’herbe et les dévisagèrent d’un œil intelligent ; puis ils partirent au galop en direction des cabanes.
« Ils sont allés l’avertir que des étrangers arrivent », dit Gandalf.
Ils entrèrent bientôt dans une cour, fermée sur trois côtés par la grande maison et ses deux longues ailes. Au centre se trouvaient un grand tronc de chêne et de nombreuses branches coupées de chaque côté. Non loin se tenait un homme de forte carrure à la barbe noire et aux cheveux touffus, nu-bras et nu-jambes, noueux comme de l’écorce. Il était vêtu d’une tunique de laine qui descendait jusqu’à ses genoux, et s’appuyait sur une grande hache. Les chevaux étaient à ses côtés, le nez à la hauteur de ses épaules.
« Hum ! les voilà ! dit-il aux chevaux. Ils n’ont pas l’air dangereux. Vous pouvez partir ! » Il s’esclaffa bruyamment, déposa sa hache et s’approcha.
« Qui êtes-vous et que voulez-vous ? » demanda-t-il d’un ton bourru. Devant son imposante silhouette, Gandalf semblait avoir rétréci. Quant à Bilbo, il aurait facilement pu lui passer entre les jambes, sans avoir à se baisser pour ne pas frôler sa tunique brune.
« Je suis Gandalf », dit le magicien.
« Jamais entendu parler, grogna l’homme. Et qui est ce petit bonhomme ? » dit-il en se penchant pour mieux froncer ses grands sourcils noirs au visage du hobbit.
« Voici M. Bessac, un hobbit de bonne famille et de réputation irréprochable », dit Gandalf. Bilbo s’inclina. Il ne put lui tirer son chapeau, puisqu’il n’en avait pas ; et il ne pouvait que déplorer l’absence de ses nombreux boutons. « Je suis un magicien, poursuivit Gandalf. J’ai entendu parler de vous, même si vous ne me connaissez pas ; mais peut-être connaissez-vous mon bon cousin Radagast, qui vit dans le Sud, aux confins de la forêt de Grand’Peur ? »
« Oui ; ce n’est pas un mauvais bougre, pour un magicien, je trouve. Je le voyais de temps en temps, dit Beorn. Eh bien, maintenant, je sais qui vous êtes, ou prétendez être. Qu’est-ce que vous voulez ? »
« Pour ne rien vous cacher, nous nous sommes presque égarés, nous avons perdu nos bagages et nous avons grandement besoin d’aide, ou du moins de conseils. Disons que nous avons passé des moments difficiles avec les gobelins des montagnes. »
« Les gobelins ? dit le colosse d’une voix adoucie. Ho, ho ! ce sont eux qui vous ont causé tous ces ennuis, n’est-ce pas ? Pourquoi vous êtes-vous mêlés à eux ? »
« Ce n’était pas notre intention. Ils nous ont surpris la nuit, dans un col que nous devions traverser ; nous sommes arrivés dans vos contrées par les terres de l’Ouest – c’est une longue histoire. »
« Alors vous feriez mieux d’entrer et de m’en raconter une partie, pourvu qu’on n’y passe pas la journée », dit-il en les conduisant dans la maison par une porte sombre qui donnait sur la cour.
Ils le suivirent jusqu’à une grande salle avec un foyer au milieu. Malgré la saison chaude, un feu de bois brûlait dans l’âtre et la fumée montait jusqu’aux combles noircis, cherchant à sortir par l’ouverture pratiquée dans le toit. Ils traversèrent cette salle obscure, sans autre éclairage que le feu et la lucarne faisant jour, et passèrent une plus petite porte menant à une sorte de véranda soutenue par de simples troncs d’arbres érigés en poteaux. Orientée au sud, elle demeurait chaude et était baignée des rayons obliques du soleil de l’après-midi, dont l’éclat doré inondait le jardin couvert de fleurs qui s’étendait jusqu’aux marches.
Ils s’assirent là sur des bancs pendant que Gandalf entamait son récit ; et Bilbo balançait ses jambes pendantes en regardant les fleurs du jardin, se demandant quels pouvaient être leurs noms, puisque la moitié d’entre elles lui étaient inconnues.
« Je traversais les montagnes avec un ou deux amis… », commença le magicien.
« Ou deux ? Je n’en vois qu’un, et pas très gros non plus », dit Beorn.
« Eh bien, pour tout vous dire, j’ai cru qu’il valait mieux ne pas arriver à plusieurs avant de savoir si nous vous dérangions. Je vais appeler, si vous permettez. »
« Allez-y, appelez ! »
Gandalf émit alors un long sifflement aigu, et Thorin et Dori contournèrent la maison par le jardin et se tinrent devant eux en s’inclinant profondément.
« Un ou trois, vous vouliez dire, à ce que je vois ! grogna Beorn. Mais ce ne sont pas des hobbits, ce sont des nains ! »
« Thorin Lécudechesne, à votre service ! Dori, à votre service ! » dirent les deux nains en saluant de nouveau.
« Je n’aurai pas besoin de vous, merci bien, dit Beorn, mais je crois que vous aurez besoin de moi. Je ne raffole pas des nains ; mais s’il est vrai que vous êtes Thorin (fils de Thrain, fils de Thror, je pense), et que votre compagnon est une personne respectable, et que vous êtes les ennemis des gobelins et que vous n’êtes pas venus chez moi pour faire un mauvais coup… mais qu’est-ce que vous êtes venus faire, au juste ? »
« Ils se rendent en visite dans le pays de leurs ancêtres, à l’est de Grand’Peur, intervint Gandalf, et si nous sommes arrivés dans vos terres, c’est tout à fait par accident. Nous traversions par le Haut Col qui aurait dû nous amener à la route qui passe au sud de votre pays, quand nous avons été attaqués par des gobelins malveillants… comme j’étais sur le point de vous le raconter. »
« Mais allez-y, racontez ! » dit Beorn, qui n’était jamais très poli.
« Il y a eu un terrible orage ; les géants de pierre étaient sortis et se lançaient des rochers, et au sommet du col, nous nous sommes réfugiés dans une grotte, avec le hobbit et plusieurs de mes compagnons… »
« Pour vous, deux, c’est plusieurs ? »
« Euh, non. En fait, nous étions plus que deux. »
« Que sont-ils devenus ? Tués, dévorés, rentrés chez eux ? »
« Euh, non. Ils ne sont pas tous venus quand j’ai sifflé, on dirait. Trop timides, probablement. C’est que, voyez-vous, nous craignons d’être un peu trop nombreux pour que vous nous receviez. »
« Allez-y, sifflez encore ! J’aurai droit à une petite réunion, semble-t-il ; une ou deux personnes de plus n’y changeront pas grand-chose », grogna Beorn.
Gandalf siffla de nouveau ; mais Nori et Ori se présentèrent avant même qu’il n’ait terminé, car après tout, Gandalf leur avait bien dit de venir par paires toutes les cinq minutes.
« Salut ! dit Beorn. Vous arrivez bien vite – où vous cachiez-vous ? Allez, mes petits diables en boîte ! »
« Nori, à votre service ! Ori… », commencèrent-ils ; mais Beorn les interrompit.
« Merci ! Quand j’aurai besoin de votre aide, je vous ferai signe. Asseyez-vous et finissons-en avec cette histoire, ou nous ne terminerons pas avant l’heure du souper. »
« Aussitôt que nous nous sommes endormis, poursuivit Gandalf, une fissure s’est ouverte au fond de la grotte et des gobelins en sont sortis. Ils ont saisi le hobbit, les nains et notre troupe de poneys… »
« Votre troupe de poneys ? Vous faisiez partie d’un cirque ambulant, ma parole ? Ou vous transportiez beaucoup de marchandises ? Ou alors, six, c’est pour vous une troupe ? »
« Oh non ! En fait, il y avait plus de six poneys, car nous étions plus de six voyageurs – tiens, justement, en voilà deux autres ! » C’est alors que Balin et Dwalin apparurent, et ils s’inclinèrent tellement bas qu’ils balayèrent le sol de pierre avec leurs barbes. Le colosse fronça d’abord les sourcils, mais comme ils s’efforçaient d’être effroyablement polis et ne cessaient de hocher la tête et de se pencher, de saluer et d’agiter leurs capuchons devant leurs genoux (comme le veut la politesse des nains), il dérida le front et se mit à rire aux éclats : ils étaient si comiques !
« En voilà une troupe, dit-il. Très divertissante. Entrez, mes joyeux lurons ! Et vos noms, quels sont-ils ? Je ne veux pas de vos services, pas pour l’instant, seulement vos noms ; puis asseyez-vous et cessez de vous dandiner ! »
« Balin et Dwalin », répondirent-ils, n’osant pas s’offusquer, et ils s’assirent, ou plutôt s’affalèrent sur le plancher d’un air passablement surpris.
« Allez-y, continuez ! » dit Beorn au magicien.
« Où en étais-je ? Ah oui – ils ne m’ont pas saisi. J’ai tué un ou deux gobelins avec un éclair… »
« Bien ! grogna Beorn. Les magiciens ont du bon, dans ce cas. »
« … et je me suis glissé dans la fissure avant qu’elle ne se referme. Je les ai suivis jusqu’à la grande salle, qui fourmillait de gobelins. Le Grand Gobelin était là avec trente ou quarante gardes armés. Je me suis dit : “Quand bien même ils ne seraient pas enchaînés ensemble, que peuvent une douzaine de braves contre autant d’adversaires ?”
« Une douzaine ! C’est la première fois que je vois le nombre huit arrondi à douze ! Mais vous n’auriez pas encore quelques diables qui ne sont pas sortis de leurs boîtes ? »
« Euh, oui, on dirait bien qu’il y en a deux autres ici… Fili et Kili, si je ne m’abuse », dit Gandalf au moment où ceux-ci apparaissaient et s’inclinaient en souriant.
« Ça suffit ! s’écria Beorn. Asseyez-vous et restez tranquilles ! Allez-y, Gandalf, poursuivez ! »
Gandalf reprit donc son histoire, et raconta leur combat dans les ténèbres, la course vers la porte inférieure et la détresse qui les saisit quand ils découvrirent qu’ils avaient égaré M. Bessac. « Nous avons compté les têtes et nous nous sommes rendu compte que le hobbit manquait. Nous n’étions plus que quatorze ! »
« Quatorze ! C’est bien la première fois que j’entends dire que dix moins un font quatorze. Vous voulez dire neuf, à moins que vous ne m’ayez pas encore nommé tous vos compagnons. »
« Oui, c’est vrai, vous n’avez pas encore rencontré Oin et Gloin. Et ma foi, les voici ! J’espère que vous leur pardonnerez cette intrusion. »
« Oh, faites-les venir eux aussi ! Et en vitesse ! Venez, vous deux, et asseyez-vous ! Mais écoutez, Gandalf… Même ainsi, il n’y a que vous-même, dix nains, et le hobbit que vous aviez perdu. Ça nous donne seulement onze (plus un d’égaré) et non quatorze, à moins que les magiciens comptent différemment des autres gens. Mais je vous en prie, continuez votre récit. » Beorn s’en cachait du mieux qu’il pouvait, mais l’histoire commençait vraiment à l’intéresser. Car voyez-vous, il avait bien connu jadis cette partie des montagnes que Gandalf lui décrivait. Il hocha la tête et grogna lorsque le magicien lui parla des retrouvailles avec le hobbit, de leur dégringolade parmi les pierres et du cercle des loups dans la clairière.
Quand Gandalf raconta qu’ils avaient dû grimper aux arbres pour échapper aux loups, il se leva et arpenta la pièce en murmurant : « J’aurais bien voulu y être ! Je leur aurais montré autre chose que des feux d’artifice ! »
« Eh bien », dit Gandalf, très content de voir que son récit faisait bonne impression, « j’ai fait de mon mieux. Nous avions ces loups enragés à nos pieds et la forêt commençait à s’embraser par endroits, quand les gobelins sont descendus des collines et ont découvert notre présence. Ils ont poussé des cris de joie et se sont mis à chanter des chansons pour nous narguer. Quinze oiseaux dans cinq sapins… »
« Par ma barbe ! grogna Beorn. Vous insinuez que les gobelins ne savent pas compter ? C’est tout le contraire, je vous assure. Douze n’est pas égal à quinze et ils le savent. »
« Et moi aussi. Bifur et Bofur étaient là également. Je n’avais pas encore osé vous les présenter, mais les voici. »
Bifur et Bofur entrèrent. « Et moi ! » s’écria le gros Bombur, tout essoufflé, et très fâché d’avoir dû patienter jusqu’à la toute fin. Refusant d’attendre cinq minutes de plus, il se présenta avec les deux autres.
« Bon ! Maintenant, vous êtes vraiment quinze ; et puisque les gobelins savent compter, je suppose que c’est tout ce qu’il y avait au sommet des arbres. On pourra enfin terminer cette histoire sans être interrompus à tout bout de champ. » M. Bessac comprit alors à quel point Gandalf avait été malin. Les interruptions n’avaient servi qu’à piquer la curiosité de Beorn, et l’histoire elle-même avait empêché qu’il ne considère les nains comme de simples mendiants en les mettant aussitôt à la porte. Il n’invitait jamais les gens chez lui, à moins d’y être obligé. Il n’avait que très peu d’amis, qui demeuraient assez loin, et il n’en invitait jamais plus d’un ou deux à la fois. À présent, il se retrouvait avec quinze étrangers assis sur son perron !
Quand le magicien eut terminé de raconter comment les aigles les avaient secourus et transportés jusqu’au Carroc, le soleil avait disparu derrière les cimes des Montagnes de Brume et les ombres s’allongeaient dans le jardin de Beorn.
« Un très bon récit ! dit-il. Un des meilleurs que j’aie entendus depuis longtemps. Si tous les mendiants racontaient de telles histoires, ils me trouveraient plus accueillant. Vous l’avez peut-être inventé du début à la fin, remarquez, mais vous méritez quand même un bon souper. Allons casser la croûte ! »
« Volontiers ! dirent-ils d’une seule voix. Merci beaucoup ! »
Dans la grande salle, il faisait désormais très noir. Beorn frappa des mains, sur quoi entrèrent quatre beaux poneys blancs, suivis de plusieurs gros chiens gris au corps allongé. Beorn leur dit quelque chose dans une langue étrange, comme des bruits d’animaux transformés en paroles. Ils ressortirent, puis revinrent bientôt en apportant des torches dans leurs gueules, qu’ils allumèrent au feu, et qu’ils installèrent sur des supports bas à même les piliers de la salle, non loin de l’âtre central. Les chiens pouvaient se tenir sur leurs pattes de derrière s’ils le désiraient, et transporter des choses avec celles de devant. Ils eurent vite fait d’aller chercher des planches et des tréteaux posés contre les murs latéraux et de les installer près du feu.
Puis on entendit « bê, bê, bê ! » et des moutons entrèrent, blancs comme neige, conduits par un gros bélier noir comme du charbon. L’un d’entre eux apportait une nappe blanche dont la bordure était brodée de figures animales ; les autres portaient, sur leurs larges dos, des plateaux remplis de bols et de plats, de couteaux et de cuillers de bois que les chiens s’empressèrent de disposer sur les tables à tréteaux. Celles-ci étaient très basses, assez basses même pour que Bilbo y soit confortablement assis. Au bout de la table, un poney approcha deux larges tabourets aux sièges tressés de jonc, solides, mais courts sur pattes, pour Gandalf et Thorin, puis il installa en face la grande chaise noire de Beorn, construite de façon similaire (et sur laquelle il s’assoyait en étendant les jambes loin sous la table). C’étaient les seuls sièges qu’il y avait dans sa demeure, et s’il les aimait aussi bas, comme les tables, c’était sans doute pour faciliter la tâche aux merveilleux animaux qui le servaient. Et les autres, sur quoi s’assirent-ils ? Ils ne furent pas oubliés. Les autres poneys arrivèrent en faisant rouler des tronçons de bois en forme de tambours, sablés et cirés, et assez bas pour convenir à Bilbo : tous furent donc bientôt attablés, la demeure de Beorn n’ayant pas connu une telle réunion depuis maintes années.
Ils eurent droit à un souper (ou un dîner, si vous préférez) comme ils n’en avaient pas eu depuis qu’ils avaient quitté la Dernière Maison Hospitalière dans l’Ouest et fait leurs adieux à Elrond. La lueur des torches et du feu dansait tout autour d’eux, et sur la table étaient posées deux hautes chandelles de cire d’abeille rouge. Pendant tout le repas, Beorn raconta, de sa voix tonitruante, des histoires des contrées sauvages de ce côté-ci des montagnes – en particulier cette région dangereuse et sombre qui s’étendait à perte de vue, du nord au sud, à un jour de chevauchée à l’est, et qui leur barrait la route : la terrible forêt de Grand’Peur.
Les nains écoutèrent en agitant leurs barbes, car ils savaient qu’ils devraient bientôt s’aventurer dans cette forêt, et qu’après les montagnes, c’était le pire danger qui les attendait avant le repaire du dragon. Après le dîner, ils se mirent à raconter des histoires à eux, mais Beorn semblait somnoler de plus en plus et ne leur prêtait guère attention. Ils parlaient surtout d’or, d’argent et de joyaux, et de l’art de façonner des objets sous l’enclume, mais Beorn semblait ne pas s’intéresser à ces choses : aucun objet d’or ou d’argent ne décorait sa demeure, et seuls les couteaux, ou presque, étaient faits de métal.
Ils restèrent longtemps assis à table devant leurs bols de bois remplis d’hydromel. Dehors, la nuit sombre était tombée. Au milieu de la salle, on raviva le feu avec de nouvelles bûches et on éteignit les torches. Puis ils veillèrent à la lumière des flammes dansantes, près des grands piliers qui se dressaient derrière eux et se perdaient dans l’obscurité de la toiture comme des arbres dans la forêt. Était-ce de la magie, Bilbo n’aurait su le dire, mais il crut entendre, là-haut dans les combles, un son semblable au gémissement du vent dans les branches, et des hululements de hiboux. Bientôt il commença à somnoler, hochant la tête par à-coups, et les voix devinrent très lointaines. Puis il se réveilla en sursaut.