J.R.R. Tolkien – Le Silmarillion

Ainulindalë

À l'aube des temps, Eru, dieu originel, engendra les Ainur (les saints), progéniture de sa pensée.

Proposant des thèmes, Eru invita les Ainur à composer dans l'harmonie l'Ainulindalë : la Grande Musique à l'origine du monde. Mais Melkor fit discordance en imposant ses propres thèmes.
Eru concrétisa la musique des Ainur qui purent ainsi contempler leur œuvre. Puis ils eurent des visions au travers desquelles chacun vit une partie de l'histoire. Par ses dernières, ils assistèrent à la naissance des premiers enfants d'Eru : les Elfes et les Hommes.
Les Ainur se virent offrir l'irrévocable opportunité de vivre dans le monde d'Eä ; ce que certains choisirent, émerveillés par ce qui avait été entrevu. À leur grande surprise, ils furent plongés dans les ténèbres à leur arrivée. Aussi réalisèrent-ils que le façonnage du monde leur incombait. Alors, chacun œuvrant selon ses aptitudes propres, ils entreprirent de titanesques travaux et se firent appeler Valar, tandis qu'Eru se fera appeler Ilúvatar par ses enfants.

Mais Melkor insuffla la discorde en revendiquant pour lui la terre des Valar que les Elfes nommeront Arda (le Royaume).

Les Valar prirent forme, par amour envers les enfants d'Ilúvatar. Ils modelèrent la terre en un lieu de paix et de plaisirs, provoquant ainsi la fureur de Melkor. Ce dernier prit forme à son tour sous des traits maléfiques. Il descendit sur Arda pour y assoir sa domination et entra en guerre contre les Valar. C'est en cette période conflictuelle qu'Arda prit l'aspect que les Premiers-Nés lui connurent.

Valaquenta

À propos des Valar...

Certains Ainur choisirent de vivre dans le monde que les Elfes appelleront Arda, tandis que les Hommes le nommeront Terre. Lorsqu'ils arrivèrent, ils furent plongés dans les ténèbres et durent entreprendre de grands travaux afin de façonner le monde. Ils se firent appeler Valar par les Elfes (vala au masculin singulier, Valie au féminin singulier) et Dieux par les Hommes.
Les seigneurs Valar étaient au nombre de 7 et les dames ou épouses des seigneurs étaient 7 également. Ils s'établirent dans la partie d'Arda que l'on nommait Valinor.

Seigneurs Valar

Dames Valar

Istari

Les istari (istar au singulier) étaient les envoyés des Valar appartenant à l'ordre des mages. Chacun avait des pouvoirs qui lui étaient propres. 5 istari sont subitement apparus en Terre du Milieu dans l'ordre qui suit :

À propos des ennemis...

À l'origine du monde, 8 seigneurs et 7 dames Valar (Vala au singulier) étaient parmi les plus puissants et les plus nobles. Mais l'un d'eux, Melkor, devint maléfique et fut déchu. Débarrassé de de Melkor, ils se firent appelé les aratar, seigneurs d'Arda. Bien qu'étant égaux en majesté, Manwë fut désigné en tant que leur roi.

Melkor était le plus puissant, détenteur d'une partie du pouvoir de chaque Valar, il n'avait cependant pas la capacité de création mais pouvait modifier ce qui avait été créé. C'est ainsi qu'il corrompu de nombreuses créatures, comme certains Elfes dont les Orques étaient issus. Au commencement, Melkor aspirait à la lumière, mais ne voulant la partager, il sombra dans les ténèbres, méprisant tout ce qui ne venait pas de lui. Il rallia de nombreux Maïar à sa cause et s'efforça d'asservir les enfants d'Ilúvatar. Melkor se fit appeler Morgoth lorsque ses maléfices atteignirent le point de non retour.

Sauron, ancien serviteur d'Aulë, se rallia à Melkor et prolongea son œuvre de destruction après sa chute.

Les Valaraukar étaient des démons dévastateurs au service du seigneur ténébreux. Ces fléaux étaient appelés Balrogs par les Elfes.

Quenta Silmarillion

Du commencement des jours

Les Valar vivaient sur l'île Almaren au centre de la Terre du Milieu. Tulkas, esprit puissant, leur vint en aide afin de repousser Melkor. Ce dernier se réfugia dans les ténèbres extérieurs, guettant le temps de la riposte. Aulë construisit deux lampes destinées à éclairer la Terre du Milieu ; Varda les remplit et Manwë les alluma. L'une, que l'on nommait Illuin, fut placée au Norf, tandis que l'autre, nommée Ormal, se trouvait au Sud. Ainsi la végétation se développa à la satisfaction des Valar qui se reposèrent.

Profitant de leur insouciante oisiveté, Melkor revint en Terre du Milieur pour y bâtir Utumno, une forteresse enfouie sous les montagnes du Norf. Il détruisit les Lampes, plongeant le monde dans les ténèbres. La chute des Lampes brisa l'équilibre entre terres et mers. Ne parvenant à déloger Melkor de sa cité, les Valars franchirent la grande mer Belegaer en direction de l'occident pour rejoindre le pays d'Aman. Ils y élevèrent de grandes montagnes en guise de remparts et façonnèrent la région du Valinor où ils demeureront jusqu'à la fin des temps. Yavanna y créa les deux arbres Telperion et Laurelin, qui illuminèrent Almaren de leur éclat.

Mais certains, s'attardant en Terre du Milieu, s'efforçaient de la protéger : Ulmo y répandait ses eaux si chères à la vie ; Yavanna prodiguais ses soins ; Oromë chassait sans répit les créatures corrompues par Melkor.

Aulë et Yavanna

Impatient d'attendre la venue des enfants d'Ilúvatar à qui il pourrait enseigner son savoir, Aulë créa les 7 pères des Nains sous la montagne en Terre du Milieu. Mais Ilúvatar le lui reprocha. Aulë se repenti pour son orgueil, demandant à son père s'il souhaitait qu'il sacrifie ses enfants illégitimes. Ilúvatar, s'apitoyant sur les Nains qui imploraient grâce, les accepta à conditions qu'ils s'éveillent après ses propres enfants. Néanmoins, il prédit que des conflits opposeraient les Nains aux Elfes.

Lorsque Yavanna prit connaissance des faits, elle s'inquiéta que les Nains auraient peu de compassion envers les arbres. En outre, ces derniers n'étaient pas à même de se défendre, ni même de fuir. Écoutant sa crainte, Manwë lui confia qu'Ilúvatar projetait d'accompagner ses créations de gardiens qui vivraient au cœur de la forêt.

De la venue des Elfes et de la captivité de Melkor

Afin d'étendre sa puissance au Sud de la Terre du Milieu, Melkor bâtit la forteresse d'Angband à proximité des rivages Nord-Ouest et en confia la garde à Sauron, son lieutenant. Yavanna et Oromë rapportèrent ces faits à Valinor. Le jour de l'éveil des Elfes approchant, Yavanna fit part de sa crainte que Melkor ne les corrompe. L'on tint un conseil où Tulkas incita ses frères et sœurs à partir en guerre, mais Mandos rappela que les Premiers-Nés s'éveilleraient à la lueur des étoiles. Aussi Varda entreprit-elle la conception de nouvelles étoiles et les arrangea t-elle en constellations.

Vint le jour tant attendu où les efles s'éveillèrent sur les rives du lac Cuiviénen. Ils découvrirent aussitôt les étoiles et en adorèrent leur lumière à tout jamais. Ils élaborèrent leur propre langue et nommèrent tout ce qu'ils observaient. Ils s'attribuèrent le nom propre de Quendi (ceux qui parlent).

Au cours d'une chasse, Oromë fit la rencontre des Quendi. Ces derniers furent en premier lieu effrayés, car auparavant, certains d'entre eux avaient disparu, capturés par Melkor afin d'être torturés et transformés en la race des Orques. Apprenant les faits, les Valar retournèrent en Terre du Milieu pour délivrer les Elfes du seigneur ténébreux. Au terme de terribles batailles et du long siège d'Utumno, les portes de la forteresse cédèrent et Tulkas défit Melkor lors d'un duel épique. Ce dernier fut rapatrié à Valinor où il implora le pardon de Manwë ; puis on l'emprisonna dans le fort de Mandos pour les siècles qui suivirent.

Les Valars, désireux de la compagnie des Elfes, les invitèrent à Valinor. Ceux qui accèptèrent furent appelés Eldar, tandis que les autres, que l'on nomma Avari, choisirent de rester sur leur terre d'orrigine. On distingait trois grandes lignées parmi les Eldar : les Vanyar, menés par Ingwë ; les Nolodor, conduits par Finwë ; les Teleri qui étaient guidés par Elwë et son frère Olwë.

Les trois peuples ayant atteint Valinor du temps des Arbres prirent l'appellation de Calaquendi (Elfes de lumière). Les autres furent nommés Moriquendi (Elfes de la nuit), car ne virent jamais la lumière de Arbres. Parmi ces derniers, on comptait une majorité de Teleri qui s'étaient égarés en tentant de rejoindre Valinor ou avaient rebroussé chemin pour coloniser les rives de la Terre du Milieu ; ceux-ci étaient appelés Úmanyar.

Tout au long de leur longue et fastidieuse marche vers l'Ouest menée par Oromë, les Eldar appréciaient les découvertes successives. Les Teleri cessèrent leur progression à l'Hithaeglir (Monts Brumeux), la chaine de montagne autrefois érigée par Melkor en vue de stopper Oromë. Quant aux Noldor et aux Vanyar, ils poursuivirent par delà les sommets pour atteindre l'Ered Luin (Montagnes Bleues). Là, nombreux prirent peur en voyant la grande mer de Belegaer et fuirent dans les forêts et les montagnes. Tandis qu'Oromë était parti chercher conseil auprès de Manwë, les Teleri menés par Elwë reprirent la route à travers l'Hithaeglir et traversèrent la région d'Eriador, alors que son frère restait en retrait avec les siens.

Thingol et Melian

Les Teleri, conduits par leur seigneur Elwë, s'attardèrent à l'Est du Beleriand, près du fleuve Gelion.

Elwë avait pour habitude de rendre visite à son ami Finwë. Mais un jour, alors qu'il traversait la forêt de Nan Elmoth pour le rejoindre, il fut attiré par la voix de Melian, la plus sage et la plus ravissante des Maia. Oubliant son peuple, il s'enfonça davantage dans les bois. Il la trouva dans une clairière, le visage éclairé par la lumière d'Aman. Sous l'effet d'un enchantement, ils demeurèrent ainsi sous les étoiles, des années durant alors que les Teleri cherchaient en vain leur seigneur. Olwë finit par prendre la relève afin de mener les Teleri à Valinor.

Elwë partagea la vie de Melian en Belerian où ils régnèrent sur les Sindar. On le nomma Elu Thingol, le « Roi à la Grise Robe ».  Melian le dota de grands pouvoirs et ils s'établirent à Menegroth.

D'Eldamar et des princes de l'Eldalië

Oromë conduisit les Vanyar et les Noldor jusqu'à la côte Ouest du Beleriand. Alors Ulmo déracina une île qu'il achemina dans la baie de Balar pour y embarquer les légions et les conduire au pays d'Aman. La pointe est de l'île resta accrochée aux fonds de l'embouchure du Sirion et forma l'île de Balar.

D'autres Teleri partis à la recherche d'Elwë, avaient entendu tardivement l'appel du seigneur des eaux et durent s'attarder en Terre du Milieu. Lorsqu'ils réalisèrent qu'Ingwë, Finwë et les leurs avaient quitté le continent, ils se hâtèrent vers la côte où ils s'installèrent et désignèrent Olwë pour roi. Il reçurent les visites régulières d'Ossë et Uinen.

Mais Finwë et son peuple se languissait de retrouver les derniers Teleri. Ils supplièrent Ulmo de guider au pays d'Aman ceux d'entre-eux qui le désireraient. Ossë su cependant convaincre un groupe de rester. Ces deniers formèrent le peuple des Falathrim, les premiers marins qui bâtirent les ports de Brithombar et Eglarest et désignèrent Cirdan pour seigneur.

Lorsque l'enchantement prit fin, Melian et Elwë, suivi de ses proches partis à sa recherche, colonisèrent les forêts pour former le peuple des Elgath, la Tribu Abandonnée.

Alors que le reste de l'île atteignait les portes du Valinor, les Teleri y résidant implorèrent Ulmo de stopper sa dérive pour profiter de la mer qu'ils chérissaient. L'île fut finalement ancrée par Ossë dans la baie d'Eldamar et pris le nom de Tol Eressëa, l'Île Solitaire. La durée du voyage fut telle que la langue des voyageurs se différencia de celle des Vanyar et des Noldor. Mais la lumière émanant du pays d'Aman finit de conquérir le cœur des Teleri insulaires. Ulmo, accédant aux prières des Valar, leur envoya Oromë afin que l'art de la construction navale leur soit instruit. C'est ainsi que les derniers Elfes débarquèrent sur les rives d'Eldamar du pays d'Aman. Olwë établit son palais à Alqualondë, le Port des Cygnes (nom issu de leurs navires en forme de cygnes).

De Fëanor et de la délivrance de Melkor

Alors que les 3 lignées d'Eldar furent réunies à Valinor à l'apogée de leur art, Míriel et Finwë donnèrent naissance à Fëanor. Míriel qui avait fait don de l'essentiel de sa vitalité à son fils ne tarda à s'éteindre. Desespéré par la perte de son épouse, Finwë reporta son amour sur son fils. Ce dernier prit rapidement de l'ampleur tandis que sa notoriété grandissait parmi les Noldor. Il prit pour épouse Nerdanel, la seule à pouvoir contenir sa fougue. De son beau-père forgeron, il apprit le travail des métaux et des pierres.
Finwë pris pour seconde épouse Indis. Cette dernière lui donna 2 fils, Fingolfin et Finarfin. Mais Fëanor n'appréciait guère ces demi-frères. Aussi s'éloigna-t-il de son père afin d'explorer la Terre du Milieu et mettre ses propres talents à profit. Il perfectionna les runes de Rúmil et créa l'écriture Fëanorienne. Il fut également à l'origine de perles de vision à distance.

Vint le jour où Melkor arriva au terme de sa punition. Les Valar lui accordèrent leur pardon sous condition qu'il aide à réparer ses méfaits passés. Ainsi ce dernier fut-il libéré de sa captivité, bien que surveillé dans un premier temps. Il enseigna son savoir aux Noldors tandis que les Vanyar et les Teleri lui gardaient leur méfiance.

Des Silmarils et de l'agitation des Noldor

Fëanor, le plus habile des artisans elfiques, forgea les Silmarils, trois joyaux renfermant la lumière pure et sacrée des Deux Arbres du Valinor. Trésors inestimables, les Silmarils étaient convoités tant par les Elfes que par Melkor. Rongé par la jalousie et la rancune, Melkor s'allia à Ungoliant, créature maléfique semblable à une araignée géante. Ensemble, ils détruisirent les Deux Arbres, plongeant ainsi Valinor dans les ténèbres. Melkor déroba les Silmarils, puis s'enfuit en Terre du Milieu. Maudissant le Vala déchu, Fëanor lui attribua le nom de Morgoth, « le Noir Ennemi du Monde ».

Consumés par la colère et l'orgueil, Fëanor et ses sept fils prononcèrent un serment irrévocable, s'engageant à poursuivre quiconque oserait s'emparer d'un Silmaril. Cet acte fut à l'origine de sanglantes tragédies. Fëanor entraîna alors nombre de Noldor à quitter Valinor pour reprendre les Silmarils en Terre du Milieu.

En chemin, à Alqualondë, les Noldor réclamèrent aux Teleri, peuple Elfe pacifique, leurs navires afin de traverser la mer qui les séparait de la Terre du Milieu. Les Teleri s'opposèrent à cette requête et furent massacrés. Ce tout premier fratricide elfique valut aux Noldor la malédiction des Valar. Aussi furent-ils bannis et condamnés à connaître la douleur et la ruine. Une partie des Noldor rebroussa chemin, tandis que Fëanor poursuivait sa route, allant jusqu'à abandonner une partie des siens dans les glaces de l'Helcaraxë. Nombre d'entre eux y périrent. Cette trahison enracina une profonde division entre les maisons de Fëanor et de Fingolfin.

De l'assombrissement du Valinor

En ces jours bénis, Valinor resplendissait sous la lumière des Deux Arbres, Telperion et Laurelin, qui dispensaient leur clarté d'argent et d'or. Mais dans l'ombre, le mal s'organisait. Melkor, jadis le plus puissant des Valar, exprima sa haine et sa jalousie, complotant contre les siens et contre les Enfants d'Iluvatar. En quête d'appui, il s'allia à Ungoliant, créature d'un vide plus ancien que les étoiles, tapie dans les ténèbres extérieures. Ensemble, ils se glissèrent vers Valinor, dissimulés par un nuage de ténèbres si épais qu'aucune lumière ne saurait le pénétrer.

Tandis que les Valar célébraient l'unité des peuples elfiques, Melkor et Ungoliant percèrent les troncs sacrés des Deux Arbres. La lumière du Valinor s'éteignit, engloutie par les ténèbres voraces d'Ungoliant. Un silence de mort s'abattit sur le royaume béni. Dans la stupeur et le deuil, les Valar se rassemblèrent ; nul n'en comprit d'abord l'ampleur. Puis Melkor pénétra Formenos, la demeure de Fëanor, tua Finwë, père du prince, et vola les Silmarils, fameux joyaux renfermant la lumière des Arbres.

Fëanor, mis au fait du double sacrilège, céda à la fureur. Il maudit Melkor, qu'il nommait désormais Morgoth, le Noir Ennemi du Monde. Avec ses sept fils, il prononça un serment selon lequel quiconque oserait s'emparer d'un Silmaril serait poursuivi, quel qu'en fût le prix et les conséquences.

Ainsi commença le déclin des Jours Anciens. Ce moment où la lumière s'effaça, où le sang et les ténèbres prirent racine au cœur d'Arda, les Eldar le nommèrent à jamais le Crépuscule du Valinor, où la bénédiction céda la place à la tragédie.

De la fuite des Noldor

Les cieux du Valinor demeuraient obscurcis et le deuil pesait sur les terres immortelles. Tandis que les Valar cherchaient à réparer le mal infligé aux Deux Arbres, Fëanor rejeta leur autorité, mû par l'orgueil et la colère. Il accusa les Puissants d'inaction, les traitant de geôliers plutôt que de guides. Il fut soutenu par ses fils, liés par le serment qui consumait leur âme.

Alors, Fëanor s'adressa aux Noldor. Semant le doute, il insuffla l'espoir d'un renouveau et exhorta son peuple à quitter les terres bénies, à reconquérir leur liberté en rejoignant la Terre du Milieu, là où résidait Morgoth, et à reprendre les Silmarils par la force. Nombreux furent ceux qui l'écoutèrent. Certains le suivirent par loyauté, d'autres par crainte de rester en retrait, d'autres encore par orgueil ou désir d'aventure. Fingolfin, son demi-frère, le suivit à regret, redoutant de voir son peuple divisé à jamais. Ainsi débuta l'exil des Noldor, irréversiblement scellé par la défiance envers les Valar et leur rejet.

Mais à Alqualondë, port des Teleri, le chemin vers la mer était barré. Les Noldor exigèrent les navires, essuyant le refus des Teleri, fidèles aux Valar. Un affrontement fratricide éclata, souillant les quais sacrés de sang elfique. L'Histoire retint le Massacre d'Alqualondë comme étant le premier crime des Elfes contre leurs semblables.

Lorsque la nouvelle parvint aux Valar, Mandos éleva la voix au-dessus des mers et proclama la Malédiction des Noldor. Ceux qui poursuivraient leur route seraient bannis et ne connaîtraient que douleur, trahison et exil, jusqu'à la fin des temps. Certains, saisis d'effroi, rebroussèrent chemin, tandis que Fëanor poursuivit sa marche. Il prit les navires par la force et trahit Fingolfin, abandonnant ses compagnons sur les rivages glacés d'Aman. Puis il fit brûler les navires à Losgar, contraignant ses frères à partager son destin et ravissant leur dernier espoir.

Ainsi les fils d'Eldamar se séparèrent-ils à jamais. Ceux qui traversèrent les glaces de l'Helcaraxë entamèrent un parcours de souffrance, perdant nombre des leurs dans les étendues de givre et de désespoir. La fuite des Noldor devint alors l'exil des Elfes orgueilleux. Dans les chants des Âges futurs, elle fut contée comme un acte de bravoure mêlé de folie, né de la lumière et conduit par les ténèbres.

Des Sindar

Alors que les Noldor s'apprêtaient à quitter Valinor, un autre destin se tissait en Terre du Milieu. Car tous les Elfes n'avaient pas atteint les terres immortelles : certains, restés en retrait lors de la Grande Marche, établirent leurs royaumes sous les étoiles. Parmi eux se trouvaient les Teleri restés en Beleriand, que l'on nomma plus tard les Sindar, ou Elfes Gris. Leur roi, Elwë, frère d'Olwë, erra longtemps dans les forêts de Nan Elmoth, où il rencontra Melian, une Maia du Valinor, à laquelle il s'unit. Des années durant, tous deux demeurèrent invisibles aux yeux des Sindar. Quand enfin il reparut, Elwë devint Elu Thingol, roi du peuple Sindar. Son union avec Melian donna naissance à un royaume unique, où la sagesse des Ainur se mêlait à l'héritage elfique.

Sous le règne de Thingol, les Sindar prospérèrent. Bien qu'ils n'eussent jamais vu la lumière des Deux Arbres, ils acquirent grandeur et noblesse. Melian tissa autour du royaume de Doriath une ceinture magique, la Ceinture de Melian, qui empêchait tout ennemi d'y pénétrer sans sa volonté. Là, en Menegroth, les Mille Cavernes, Thingol régna avec majesté, et les arts s'épanouirent.

Cependant, les Sindar n'étaient pas seuls. Dans les forêts et les collines du Beleriand vivaient aussi d'autres peuples : les Nandor, issus des Teleri, et les Laiquendi, Elfes verts qui demeuraient dans Ossiriand. Tous furent marqués par la venue des Noldor, dont la splendeur et la puissance éveillèrent autant d'admiration que de crainte.

Ainsi se prépara, sans guerre ouverte, le choc des royaumes elfiques : ceux qui avaient connu la lumière du Valinor, et ceux qui, nés sous les étoiles, bâtirent leur propre grandeur dans l'ombre. Car même en Terre du Milieu, avant le retour de Morgoth, les fils d'Iluvatar traçaient des chemins séparés, et les graines du destin étaient déjà semées.

Du Soleil et de la Lune et de la dissimulation du Valinor

Après la destruction des Deux Arbres du Valinor par Melkor et Ungoliant, une obscurité profonde s'étendit sur le monde. Mais Yavanna, gardienne de toute vie, sauva ce qui pouvait encore l'être : de la dernière fleur de Telperion naquit la Lune, et du dernier fruit de Laurelin jaillit le Soleil. Les Valar confièrent ces astres aux Maiar Tilion et Arien, afin qu'ils parcourussent les cieux et ramenassent la lumière sur Arda.

La Lune s'éleva la première, pâle et changeante, traversant le ciel dans une lente ascension. Le Soleil, éclatant et flamboyant, suivit peu après, marquant le commencement du Premier Âge du Soleil. Désormais, la lumière du monde ne venait plus d'un seul lieu, mais du firmament tout entier. Les ténèbres de Morgoth n'étaient plus totales, et l'espoir renaissait.

Cependant, devant la souillure de la Terre du Milieu et la trahison des Noldor, les Valar retirèrent Valinor du monde visible. Ils fermèrent les voies de l'Ouest par un enchantement impénétrable : seuls ceux qu'ils autoriseraient pourraient encore atteindre les rivages sacrés. Ainsi commença la séparation des Mondes, et Valinor devint une terre cachée, inaccessible aux mortels.

Tandis que le Soleil et la Lune éclairaient les terres d'Arda, les Hommes s'éveillèrent, loin à l'Est, sans avoir vu la lumière des Arbres ni entendu les voix des Valar. Le destin des Enfants d'Iluvatar, Elfes et Hommes, se trouvait désormais scellé sous le regard de ces astres nouveaux, et les jours du monde prirent une nouvelle mesure.

Des Hommes

Alors que les Elfes bâtissaient leurs royaumes en Beleriand et que la lumière du Soleil inondait désormais le monde, les Humains s'éveillèrent, loin à l'Est, dans les terres encore jeunes d'Arda. Ils apparurent à l'heure fixée par Ilúvatar, sans avoir jamais vu la lumière des Deux Arbres, ni entendu les conseils des Valar. Ils naquirent dans l'ombre du Premier Âge, sous un ciel changeant, livrés à eux-mêmes dans un monde déjà marqué par le mal.

Les Humains étaient mortels et leur vie était brève comparée à celle des Elfes. Mais Ilúvatar leur donna en propre un don mystérieux : la liberté véritable, et la capacité de quitter le monde au terme de leur existence. Ce don, que les Elfes nommaient la Seconde Mort, leur demeurait incompréhensible, et beaucoup le voyaient comme une malédiction.

Lorsque les premiers Hommes franchirent les montagnes et les rivières pour gagner l'Ouest de la Terre du Milieu, certains firent alliance avec les Elfes, admirant leur savoir et leur beauté. Ces premiers venus formèrent trois grandes maisons : celle de Bëor, celle de Haleth, et celle de Hador. Ils devinrent les Elfes-Amis, combattant aux côtés des Noldor contre Morgoth.

Mais tous les Hommes ne prirent pas ce chemin. Nombre d'entre eux restèrent sous l'influence des Ténèbres, séduits ou corrompus par Morgoth. De ces peuples dérivèrent plus tard les Hommes de l'Est et du Sud, souvent hostiles aux Elfes et à leurs alliés. Quant aux Elfes-Amis, leur lignée perdura, et de leurs descendants naquirent, bien des siècles plus tard, les Dúnedain, les Hommes de l'Ouest.

Ainsi commença la grande histoire des Hommes, liée à jamais à celle des Elfes, bien que leurs destinées fussent différentes. L'un par la mémoire, l'autre par l'oubli ; l'un par la durée, l'autre par le renouvellement. Et dans les chants des âges à venir, leurs pas se croiseraient souvent, entre gloire, perte et espoir.

Du retour des Noldor

Lorsque le Soleil s'éleva pour la première fois au-dessus d'Arda, les Noldor revinrent en Terre du Milieu. Fëanor, à la tête de ses partisans, débarqua à l'extrême Norf du Beleriand, près de l'estuaire de Drengist. Il alluma les feux de guerre, résolu à défier Morgoth, et mena ses forces contre Angband, la forteresse souterraine du Noir Ennemi, d'où s'étendaient les ténèbres sur le monde. Ce fut la bataille de Lammoth, lors de laquelle ses troupes repoussèrent les Orques venus à leur rencontre.

Mais Fëanor, emporté par sa fougue, s'aventura trop loin sur les terres de l'Ennemi. Il atteignit les abords de Dor Daedeloth, où surgit Gothmog, seigneur des Balrogs. Dans un combat acharné, Fëanor fut mortellement blessé. Avant de rendre l'âme, il contempla la lointaine forteresse d'Angband, sans jamais l'atteindre, et confia à ses fils la poursuite du serment.

Peu après, Fingolfin et les siens parvinrent à leur tour en Beleriand, ayant enduré la traversée des glaces de l'Helcaraxë. À la vue du Soleil se levant sur les eaux, ils crurent entrer dans un monde nouveau. Lorsqu'ils retrouvèrent les fils de Fëanor, les tensions demeurèrent vives, mais aucune guerre ouverte n'éclata entre les maisons.

Profitant du désordre, Morgoth lança une attaque soudaine, mais les Noldor, unis malgré leurs différends, remportèrent une victoire éclatante sur les plaines d'Ard-galen, vaste steppe située au Norf du Beleriand, non loin d'Angband. Cette bataille fut appelée Dagor-nuin-Giliath, la Bataille sous les Étoiles. Bien que Fëanor y eût péri, ses fils et les nouveaux venus consolidèrent leurs positions autour d'Angband, repoussant pour un temps la menace.

Les Noldor fondèrent alors plusieurs royaumes : Fingolfin régna à Hithlum, Maedhros s'établit dans l'Est, et Finrod Felagund, fils de Finarfin, posa les premières pierres de Nargothrond. Turgon, guidé par des songes, chercha un lieu secret pour édifier un refuge caché, tandis que son frère Finrod découvrit les cavernes de Narog. Un âge de grandeur et de vigilance s'amorça alors, dans l'ombre toujours présente de Morgoth.

Ainsi les Noldor revinrent-ils en Terre du Milieu, non plus en exilés, mais en seigneurs de guerre. Et sur les vastes plaines du Beleriand, ils dressèrent leurs bannières, portant encore la mémoire du Valinor et la promesse de vengeance.

Du Beleriand et de ses royaumes

Après leur retour en Terre du Milieu, les Noldor consolidèrent leurs positions autour d'Angband, la forteresse du Noir Ennemi. Ils fondèrent plusieurs royaumes dans les vastes contrées du Beleriand, cette région de l'Ouest qui s'étendait jusqu'aux Montagnes Bleues et aux rivages de Belegaer.

Fingolfin, devenu Haut Roi des Noldor, régna sur le Hithlum, un territoire froid et venté, au Nord-Ouest d'Arda. Son fils Fingon y résida à ses côtés, tandis que Turgon, son frère, se retira à Nevrast, guidé par des songes et des avertissements venus de Valinor.

À l'Est, Maedhros, fils aîné de Fëanor, s'établit au sommet de la colline de Himring. Il forma avec ses frères la Marche de Maedhros, un réseau défensif de forteresses couvrant le flanc oriental du Beleriand. Malgré le lourd héritage du serment, Maedhros s'efforça de maintenir la paix entre les maisons elfiques, et fit amende honorable envers Fingolfin.

Plus au Sud, Finrod Felagund, fils de Finarfin, explora les rivières du Narog et fonda le royaume de Nargothrond, inspiré par les cités souterraines des Nains. C'est lui qui devint l'ami du peuple de Belegost et de Nogrod, nouant les premières alliances durables entre Elfes et Nains.

Son cousin Turgon, à la suite de visions venues d'Ulmo, découvrit la vallée cachée de Tumladen, où il commença la construction secrète de Gondolin, la Cité Cachée, conçue à l'image de Tirion sur la colline de Túna.

Au cœur de la forêt de Doriath, le roi Thingol maintenait son royaume indépendant, protégé par la Ceinture de Melian. Méfiant envers les Noldor, il interdisait dans ses terres toute mention des Silmarils et du serment de Fëanor.

Ainsi se dessinèrent les royaumes du Beleriand, liés entre eux par des alliances fragiles, des serments anciens, et des lignées rivales. Une paix vigilante s'installa, mais l'ombre d'Angband pesait toujours sur le Nord, et nul ne doutait que Morgoth préparait sa revanche.

Des Noldor en Beleriand

Après leur retour en Terre du Milieu, les Noldor occupèrent les vastes terres du Beleriand et y fondèrent plusieurs royaumes, chacun établi selon la volonté et le caractère de ses seigneurs. Autour d'Angband, la forteresse de Morgoth, ils établirent un cercle de surveillance armée. Ce fut le début d'une longue période de vigilance que l'on nomma le Siège d'Angband.

Sous le règne de Fingolfin, Haut Roi des Noldor, les royaumes prospérèrent. Maedhros, fils aîné de Fëanor, renonça à sa prétention au trône et reconnut l'autorité de Fingolfin, scellant ainsi une paix fragile entre les lignées jadis divisées. Il prit position dans l'Est du Beleriand, depuis la forteresse de Himring, et organisa une ligne de défense avec ses frères.

Fingolfin, quant à lui, régna depuis le Hithlum, au Norf-Ouest, et son fils Fingon devint l'un des plus vaillants seigneurs du temps. Finrod Felagund, fils de Finarfin, bâtit le royaume souterrain de Nargothrond, et Turgon, son cousin, se retira secrètement à Gondolin, la Cité Cachée, guidé par les visions du Vala Ulmo.

Leurs cités rayonnèrent de splendeur, et nombre de peuples elfiques du Beleriand vinrent à eux. Toutefois, les relations restèrent tendues avec les Sindar, notamment avec Thingol, roi de Doriath. Lorsqu'il apprit le massacre d'Alqualondë, il interdit l'usage du quenya, la langue des Noldor, dans son royaume. Le sindarin devint alors la langue commune des Elfes de la Terre du Milieu.

Les fils de Fëanor, liés par leur serment et hantés par la perte des Silmarils, restèrent en marge, méfiants et isolés, bien qu'aucun conflit ouvert n'éclatât.

Ainsi, les Noldor consolidèrent leurs royaumes et affermirent leur présence en Beleriand. Mais Morgoth, enfermé dans les profondeurs d'Angband, ne restait pas inactif. Et sous l'apparente paix, l'ombre travaillait déjà à la chute.

Maeglin

Parmi les lignées des Noldor s'éleva un destin singulier, mêlé d'ombre et d'orgueil : celui de Maeglin, fils de Aredhel, sœur de Turgon, et d'Eöl, un Elfe secret et solitaire que l'on nommait l'Elfe Noir. Il habitait les forêts denses de Nan Elmoth, à l'écart des royaumes des Noldor, et vivait à l'image des Elfes d'antan, farouchement indépendant et hostile aux siens.

Un jour, Aredhel, lassée de l'enfermement de Gondolin, quitta la cité secrète à l'insu de son frère. Errant à travers les bois, elle rencontra Eöl, qui l'attira chez lui par ruse et l'y retint. De leur union naquit un fils qu'Eöl nomma Maeglin, « Regard perçant ». L'enfant grandit entre lumière et ténèbres, héritier à la fois de la noblesse des Noldor et de la froideur de son père.

Mais en secret, Maeglin aspirait à connaître Gondolin, la cité des siens, et à se lier à la maison de sa mère. Lorsque l'occasion se présenta, Aredhel s'enfuit avec son fils, et tous deux atteignirent finalement la vallée cachée de Tumladen. Là, Turgon accueillit avec joie sa sœur et son neveu, ignorant encore les troubles à venir.

Eöl, découvrant leur fuite, se lança à leur poursuite et parvint jusqu'aux portes de Gondolin. Mais la loi de la cité était claire : nul ne pouvait la quitter après y être entré. Eöl refusa d'y rester et tenta de tuer son fils plutôt que de le voir vivre parmi les Noldor. Il fut arrêté, jugé, et précipité du haut des murailles. Aredhel mourut peu après, empoisonnée par la lame de son époux.

Orphelin, Maeglin fut accueilli à la cour de Turgon, et gagna rapidement sa faveur grâce à son intelligence, son habileté aux armes, et ses dons d'artisan. Pourtant, dans son cœur, il nourrissait deux désirs secrets : le pouvoir, et Idril, la fille de Turgon, qui ne partageait pas son affection. Ce désir interdit, joint à l'ambition et au ressentiment, forma les premières ombres d'un destin tragique.

Dès lors Maeglin demeura-t-il dans la blancheur de Gondolin, silencieux, admiré, mais déjà corrompu, et son nom, dans les chants des jours futurs, serait à jamais lié à la perte de la Cité Cachée.

De la venue des Hommes dans l'Ouest

Alors que les royaumes des Noldor prospéraient en Beleriand et que le siège d'Angband se prolongeait, les premiers Hommes atteignirent l'Ouest. Guidés par les étoiles et les récits venus des Elfes, ils traversèrent les vastes terres de l'Est et franchirent les montagnes qui les séparaient du Beleriand.

Le premier peuple à parvenir dans ces contrées fut la Maison de Bëor, que Finrod Felagund rencontra alors qu'il explorait les hautes terres. Touché par leur noblesse et leur courage, il leur parla dans leur langue, qu'il comprit par inspiration, et leur enseigna le savoir des Eldar. En retour, les Hommes le reconnurent comme seigneur, et Finrod leur accorda des terres.

Peu après arrivèrent la Maison de Haleth, peuple fier et farouche, qui préférait les forêts profondes à la proximité des Elfes, et la Maison de Hador, vigoureuse et loyale, qui se plaça sous la bannière de Fingolfin. Ces trois maisons formèrent les Elfes-Amis, alliés fidèles des Noldor dans leur guerre contre Morgoth.

Les Elfes accueillirent ces nouveaux venus avec bienveillance, mais certains, tels que Thingol, s'en défièrent. Car les Hommes étaient mortels, et leur destin échappait à la compréhension des Premiers-Nés. Les Noldor eux-mêmes observaient en eux une volonté propre, un feu intérieur différent, mais admirable.

Tous les Hommes ne s'unirent pas aux Elfes. Certains groupes restèrent à l'Est, à l'écart de leurs frères, et d'autres tombèrent sous l'influence des ténèbres. Ces derniers devinrent les ennemis des Elfes et des Elfes-Amis, et se rangèrent plus tard du côté de Morgoth.

Ainsi les Hommes entrèrent-ils dans les récits du Beleriand, non plus comme légende à venir, mais comme acteurs du Destin. Leurs pas, mêlés à ceux des Elfes, allaient désormais peser dans la lutte contre les ténèbres, pour le salut ou la ruine du monde.

De la ruine du Beleriand et de la chute de Fingolfin

Pendant près de quatre siècles, les Noldor maintinrent le Siège d'Angband, surveillant sans relâche les terres du Nord. Mais Morgoth, enfermé dans sa forteresse, œuvrait en silence. Il rassembla ses légions, fit surgir des profondeurs de nouveaux monstres, et forgea de vastes plans de destruction.

Soudain, Morgoth entreprit de rompre le Siège d'Angband. L'on assistat à l'invasion de Dagor Bragollach, la Bataille de la Flamme Subite. Des fleuves de feu jaillirent des montagnes d'Angband, ravageant les plaines d'Ard-galen, qui devinrent dès lors la désolation d'Anfauglith. Les Orques, les dragons, et les Balrogs fondirent sur les Noldor, brisant leurs défenses. Nombre de forteresses tombèrent, et les lignes de Maedhros furent dispersées.

Finrod Felagund dut abandonner la tour de Minas Tirith sur l'île de Tol Sirion, que le loup-garou Sauron s'empara pour Morgoth. Le royaume de Dorthonion fut ravagé, et Barahir, père de Beren, ne put en préserver que des ruines. Beleriand chancela.

Devant ce désastre, Fingolfin, roi des Noldor, fut saisi de désespoir et de colère. Croyant que tout était perdu, il prit son cheval Rochallor et chevaucha seul jusqu'aux portes de Morgoth, en Dor Daedeloth. Là, il défia le Noir Ennemi dans un duel que les légendes chantèrent à jamais. Morgoth parut, lourd et couronné d'ombre. Le combat fut terrible. Fingolfin, malgré sa solitude, blessa Morgoth sept fois, et son épée Ringil brilla comme une étoile dans la nuit. Mais au final, il tomba, accablé par le poids de l'Ennemi. Morgoth le foula de son pied noir, mais avant de mourir, Fingolfin lui enfonça sa lame dans le pied, et le blessa à jamais.

Thorondor, roi des Aigles, intervint afin que le coprs de Fingolfin de soit profané, repoussant Morgoth et emportant la dépouille du roi jusqu'aux sommets du Cristhorn. Là, Fingon, son fils, l'ensevelit avec honneur. Morgoth, bien qu'encore invaincu, garda pour toujours la marque de cette rencontre sur son corps et dans sa crainte.

Ainsi périt Fingolfin, seigneur des Noldor, et avec lui se brisa l'espérance d'un siège éternel. Beleriand entra dans une ère de ténèbres, car Morgoth avait montré qu'il pouvait frapper et que nul rempart, si solide fût-il, ne demeurerait inviolé.

Beren et Lúthien

Au temps où Beleriand était plongée dans la guerre, Beren, fils de Barahir, erra seul dans les terres sauvages. Sa maison ayant été détruite par Morgoth, il vécut en proscrit dans les forêts de Dorthonion, survivant par sa ruse et sa vaillance. Traqué, affamé, mais invaincu, il franchit les montagnes pour gagner le Doriath, royaume de Thingol.

Là, il aperçut Lúthien, fille de Thingol et de Melian, dans les bois de Neldoreth. Elle dansait sous les étoiles, et à cette vision, le cœur de Beren fut à jamais lié au sien. Ils s'aimèrent en silence, mais leur amour défia les lois des Elfes et des Hommes. Lorsque Beren se présenta devant le roi Thingol, celui-ci, furieux qu'un mortel convoite sa fille, lui imposa une quête impossible : ramener un Silmaril du diadème de Morgoth.

Beren accepta, et partit seul vers Angband, affrontant mille périls. Il fut rejoint par Finrod Felagund, roi de Nargothrond, qui tint sa promesse d'amitié envers la lignée de Barahir. Mais Finrod mourut en sauvant Beren, capturé dans les cachots de Sauron sur l'île de Tol-in-Gaurhoth.

Alors Lúthien, avertie par ses songes, s'enfuit de Doriath. Déguisée et accompagnée du chien géant Huan, elle affronta les ombres, vainquit Sauron par la puissance de son chant, et délivra Beren. Ensemble, ils se dirigèrent vers le Nord, vers les portes mêmes d'Angband.

Là, Lúthien envoûta Morgoth lui-même, le plongeant dans un sommeil profond par la magie de sa voix. Beren, profitant de l'instant, arracha un Silmaril de la couronne de fer. Mais en tentant de fuir, ils furent attaqués par Carcharoth, le loup-garou le plus féroce que Morgoth eût engendré. Beren perdit sa main, et le Silmaril disparut dans la gueule du monstre en furie.

Revenus à Doriath, Beren et Lúthien crurent leur quête perdue. Mais Carcharoth, devenu fou de douleur, ravagea les terres de Thingol. Beren participa à la chasse qui mit fin à la bête, mais fut mortellement blessé. Il mourut dans les bras de Lúthien, qui, accablée de douleur, renonça elle aussi à la vie.

Son âme descendit aux Halls de Mandos, et là, elle chanta devant le Valar des Lamentations un chant de beauté et de peine si profond que Mandos en fut ému. Par sa prière, un destin inédit fut accordé : Beren et Lúthien retournèrent à la vie mortelle, pour un temps bref, mais ensemble. Ils s'exilèrent loin du tumulte, dans les bois de Ossiriand, et aucun chant ne dit la fin de leur vie.

De la cinquième bataille : Nirnaeth Arnoediad

Après la mort de Fingolfin et la ruine du Beleriand septentrionale, les Noldor ne cessèrent de résister à Morgoth. Pendant des années, ils reconstruisirent leurs forces, formèrent de nouvelles alliances, et préparèrent une offensive destinée à renverser le Noir Ennemi. C'est alors que Maedhros, fils de Fëanor, forma une grande union de peuples libres, réunissant Elfes, Humains et Nains contre Angband. Parmi eux se trouvaient les fils de Finarfin, les seigneurs de la maison de Fingolfin, les Nains de Belegost, et des Maisons humaines fidèles aux Elfes, telles que celles de Hador et de Bëor. Turgon, roi caché de Gondolin, sortit de son silence et rejoignit la guerre, apportant espoir et puissance.

Mais cette alliance, bien que vaste, fut trahie de l'intérieur. Les Orientaux, Hommes récemment arrivés en Beleriand et secrètement acquis à Morgoth, désertèrent au moment crucial. La stratégie des Noldor fut brisée. Ce fut la cinquième grande bataille, nommée Nirnaeth Arnoediad, les Larmes Innombrables.

La plaine d'Anfauglith résonna du fracas des armes. Les Elfes combattirent avec héroïsme, les Humains tinrent leurs lignes jusqu'au dernier souffle, et les Nains frappèrent si puissamment que même les dragons reculèrent devant eux. Mais la défaite fut totale. Fingon, fils de Fingolfin, tomba sous la hache de Gothmog, seigneur des Balrogs. La bannière des Noldor fut abattue.

Húrin et Huor, seigneurs humains de la maison de Hador, couvrirent la retraite de Turgon. Huor fut tué, et Húrin, capturé vivant, lutta seul jusqu'à l'épuisement, criant « Aurë entuluva ! » — Le jour se lèvera de nouveau ! Morgoth, moqueur, le fit enchaîner, et le garda prisonnier pour le tourment des temps à venir.

Après cette bataille, Beleriand perdit sa lumière. Les terres du Nord tombèrent sous la domination de Morgoth. Les royaumes elfiques se replièrent ou furent anéantis. Le rêve d'une victoire s'éteignit, et les chants des Elfes n'évoquèrent plus cette guerre qu'avec larmes et silence.

Túrin Turambar

Après la défaite des Elfes à Nirnaeth Arnoediad, Húrin, seigneur de Dor-lómin, fut capturé par Morgoth. Refusant de trahir l'emplacement de Gondolin, il fut enchaîné sur un sommet où Morgoth le contraint à visionner les malheurs de sa lignée. Alors Morgoth maudit ses enfants, et particulièrement Túrin, son fils.

Tandis qu'il n'était encore qu'un enfant, Túrin fut envoyé à Doriath, où Thingol et Melian l'accueillirent en leur demeure. Il y grandit en honneur et en vaillance, mais son cœur restait ombrageux. Après avoir tué par erreur un conseiller du roi, Túrin s'enfuit dans les bois, croyant être banni. Dès lors, il prit la route de l'exil, refusant de revenir, et son destin s'obscurcit.

Sous le nom de Neithan, le Lamenté, il mena des bandes d'Hommes et de proscrits, combattant Morgoth avec férocité. Il tua Beleg Cúthalion, son plus fidèle ami, dans un moment de confusion tragique, et s'enfonça davantage dans la solitude. Puis il arriva à Nargothrond, où son orgueil grandit : il incita le roi Orodreth à abandonner la discrétion des Elfes pour mener la guerre ouverte. Ce fut un désastre. Glaurung, le dragon de Morgoth, dévasta la cité.

Capturé par le regard du dragon, Túrin tomba sous un sort d'oubli. Glaurung le manipula, semant la ruine autour de lui. Il oublia sa mère, sa sœur et son nom. Il erra jusqu'à Brethil, où il fut accueilli par un peuple d'Hommes. Là, il rencontra Niënor, sa propre sœur, également frappée d'amnésie par Glaurung. Ne sachant rien de leurs liens, ils s'aimèrent et se marièrent.

Mais lorsque Glaurung revint, Túrin le combattit et le tua d'un coup de son épée noire, Gurthang. Dans ses derniers instants, le dragon leva le sort : Niënor retrouva la mémoire et, horrifiée, se jeta dans le vide. Túrin, apprenant la vérité, se transperça le cœur avec sa propre lame.

De la ruine du Doriath

Après la mort de Beren et Lúthien, leur fils Dior Eluchíl revint en Doriath, apportant avec lui le Silmaril qu'ils avaient arraché à Morgoth. Thingol, roi de Doriath, ayant été tué peu auparavant par des Nains venus de Nogrod, c'est Dior qui hérita du trône, aux côtés de sa femme Nimloth.

Mais la possession du Silmaril attira de nouveau les convoitises. Les fils de Fëanor, toujours liés par leur serment, apprirent que le joyau se trouvait en Doriath. Bien que le royaume eût déjà été affaibli par la mort de Thingol et le départ de Melian, ils hésitèrent d'abord à attaquer un peuple Elfe. Cependant, le serment les rattrapa, et la discorde les emporta.

Le second massacre fratricide entre Elfes se produisit. Les fils de Fëanor lancèrent un assaut sur Doriath. Dior et Nimloth tombèrent au combat. Le royaume fut détruit, les cavernes de Menegroth pillées et le Silmaril fut perdu une nouvelle fois. Eluréd et Elurín, les fils jumeaux de Dior, furent capturés et abandonnés dans la forêt. Nul ne sut jamais ce qu'il advint d'eux.

Cependant, la fille de Dior, Elwing, parvint à fuir avec le Silmaril. Escortée par quelques survivants, elle gagna les bouches du Sirion, où elle trouva refuge. Là, dans le dernier bastion des Elfes libres, le joyau brilla encore ; mais son éclat attisait toujours la malédiction du serment.

Ainsi périt le royaume de Doriath, jadis protégé par la Ceinture de Melian, réduit à néant non par Morgoth, mais par la folie des Elfes eux-mêmes. Et dans les chants des Eldar, cette ruine fut pleurée avec amertume, comme un signe que même les plus beaux royaumes peuvent tomber, quand l'orgueil l'emporte sur la sagesse.

De Tuor et de la chute de Gondolin

Au temps où Morgoth étendait son pouvoir en Beleriand, Ulmo, Vala des eaux, n'abandonna pas les Enfants d'Iluvatar. Il désigna Tuor, Homme de la Maison de Hador, pour porter un dernier message d'avertissement aux Elfes. Guidé par les eaux et les songes, Tuor traversa de vastes terres solitaires jusqu'à parvenir au Voile de Nevrast, puis aux ruines de Vinyamar, où il trouva les armes que le Vala avait préparées pour lui.

Là, Ulmo lui apparut en personne et lui ordonna de chercher la cité cachée de Gondolin, dernier bastion inviolé des Noldor. Accompagné du Sindar Voronwë, Tuor franchit les montagnes et découvrit la vallée secrète de Tumladen. Il entra à Gondolin, où Turgon, roi de la cité et fils de Fingolfin, l'accueillit avec faveur, car les paroles d'Ulmo concordaient avec de vieux présages.

Tuor vécut longtemps dans la blancheur de Gondolin et son cœur s'attacha à Idril Celebrindal, fille du roi. Ils s'unirent, et de leur amour naquit Eärendil, porteur d'un destin qui allait dépasser celui de tous les Hommes et de tous les Elfes.

Mais dans l'ombre, Maeglin, fils d'Eöl et cousin d'Idril, rongeait son orgueil blessé. Jaloux de Tuor et assoiffé de pouvoir, il fut capturé en secret par les espions de Morgoth. Afin d'épargner sa vie et gagner la promesse d'un royaume, il trahit Gondolin en révélant son emplacement, longtemps tenu secret des peuples énnemis et alliés.

Alors Morgoth déchaîna sa plus grande armée. D'innombrables Balrogs, Dragons, Orques et autres bêtes jaillirent d'Angband et fondirent sur la vallée cachée. Gondolin sombra dans le feu et le sang. Turgon périt dans les flammes de sa tour. Maeglin, dans sa perfidie, tenta de s'emparer d'Idril et d'Eärendil, mais Tuor le précipita des murailles.

Sous la conduite d'Idril, qui avait secrètement préparé une voie de retraite, quelques survivants s'échappèrent par un passage secret. Ils traversèrent les montagnes, poursuivis par les flammes, et parvinrent aux embouchures du Sirion. Là, ils retrouvèrent Elwing, fille de Dior, et un nouveau foyer s'édifia, modeste mais porteur d'espoir.

Ainsi tomba Gondolin, dernier joyau des royaumes elfiques, élevé dans la lumière de Valinor, consumé par la trahison. Mais de ses cendres surgirent Eärendil et Elwing, porteurs d'un espoir plus grand que toutes les défaites et dont le destin allait bouleverser le monde.

Du voyage d'Eärendil et de la Guerre de la Colère

Lorsque toute espérance semblait perdue en Beleriand, alors que les royaumes elfiques étaient tombés, que les Silmarils restaient entre les mains de Morgoth et que la nuit couvrait les terres, Eärendil, fils de Tuor et d'Idril, résolut de chercher secours au-delà des mers, auprès des Valar.

Portant sur son front le Silmaril sauvé par Elwing, il prit la mer à bord de Vingilot, son vaisseau d'argent, et brava les flots interdits. Il franchit les enchantements d'Aman, ce que nul Homme mortel n'avait jamais accompli. Les Valar, émus par sa quête et la fidélité des Elfes et des Hommes qui luttaient en Terre du Milieu, entendirent enfin la supplique des peuples libres.

Ils refusèrent à Eärendil de revenir dans le monde mortel. Mais, en récompense de son acte, ils le bénirent, lui et Elwing, leur donnant une destinée immortelle, et ils élevèrent son navire dans les cieux. Dès lors, Eärendil devint l'Étoile du Soir, portant le Silmaril sur son front, et son éclat guida les peuples d'Arda dans les ténèbres croissantes.

Alors les Valar s'éveillèrent à la guerre. Ils levèrent une armée puissante, composée des Maiar, des Vanyar et des Eldar revenus. Ensemble, iles déferlèrent en Terre du Milieu pour mener l'ultime guerre : la Bataille de la Grande Colère.

Ce fut une guerre terrible, telle que le monde n'en avait jamais vu. Les légions de Morgoth furent défaites, ses balrogs dispersés, ses dragons abattus, et ses forteresses ruinées. Lui-même fut capturé, enchaîné par les Valar, et jeté hors des Cercles du Monde dans le Vide intemporel.

Mais cette victoire eut un prix. La guerre ébranla la Terre, et la Beleriand fut engloutie sous les flots. Ses collines, ses forêts, ses cités ne furent plus que souvenirs. Seuls quelques sommets demeurèrent, comme des îles, témoignages d'un monde révolu.

Les Silmarils furent alors récupérés par les Valar, mais les fils survivants de Fëanor, Maedhros et Maglor, lièrent encore leur destin au serment funeste. Ils dérobèrent les joyaux, mais leur acte les brisa. Maedhros, consumé par la douleur, se jeta dans précipita dans une faille ardente avec son Silmaril. Maglor, accablé de remords, jeta le sien dans la mer et erra sans fin sur les rivages.

Ce chapitre marqua la fin du Premier Âge du monde. Le pouvoir de Morgoth brisé, les royaumes elfiques disparurent et ceux qui survécurent durent choisir entre les terres immortelles d'Aman ou les ombres changeantes du monde mortel.

Akallabêth

Après la chute de Morgoth, les Hommes qui s'étaient battus aux côtés des Elfes furent honorés par les Valar. À ces fidèles fut octroyé un nouveau royaume, une île au milieu de la Grande Mer, entre Aman et la Terre du Milieu. Ce royaume s'apperlait Númenor, et ses habitants, les Dúnedain, les Hommes de l'Ouest.

Les Númenóréens devinrent puissants et sages. Leur savoir, leur art, leur longévité dépassaient ceux des Hommes de la Terre du Milieu. Leur roi Elros, fils d'Eärendil, inaugura une lignée royale noble et bénie. Longtemps, les Númenóréens gardèrent amitié avec les Eldar et vénération envers les Valar.

Mais au fil des siècles, l'orgueil s'insinua dans leurs cœurs. Redoutant la mort que les Valar ne leur avaient pas ôtée, ils commencèrent à envier les immortels. Ils cessèrent de visiter les Terres du Milieu par bonté, et érigèrent des forteresses pour dominer les peuples. Leurs rois oublièrent les anciennes lois et se détournèrent d'Eru Ilúvatar.

Alors Sauron, serviteur survivant de Morgoth, profita de leur vanité croissante. Se faisant passer pour un dieu, il séduisit les Númenóréens, jusqu'à devenir le conseiller du roi Ar-Pharazôn. Celui-ci, aveuglé par la soif de pouvoir, osa défier les Valar, et prépara une flotte pour conquérir Aman, terre interdite.

Ce fut le dernier affront. Car le dieu Ilúvatar en personne intervint. Il brisa le monde, sépara Aman du royaume des mortels, et fit sombrer Númenor sous les flots. Ainsi fut détruite l'île de l'Ouest, et Akallabêth, la « submergée », entra dans les légendes.

Seuls échappèrent à ce désastre Elendil et ses fils, Isildur et Anárion, fidèles aux anciens serments. Fuyant la colère divine, ils abordèrent les côtes de la Terre du Milieu, portant avec eux les fragments de Númenor, les traditions des Dúnedain, et la mémoire d'un royaume perdu.

Les Anneaux de pouvoir et le Troisième Âge

Après la submersion de Númenor, Sauron échappa à la ruine, bien que son enveloppe corporelle fût brisée. Il revint en Terre du Milieu, et s'établit en Mordor, où il éleva la tour de Barad-dûr et prépara une nouvelle domination. Afin d'asseoir son pouvoir, il façonna en secret l'Anneau Unique, dans les flammes du Mont Destin, afin de contrôler tous les autres anneaux forgés, avec son appui, par les Elfes d'Eregion.

Neuf Anneaux furent donnés aux Rois des Hommes, qui devinrent spectres sous son joug, les Nazgûl. Sept furent remis aux Seigneurs Nains, qui résistèrent davantage à leur emprise, mais devinrent plus cupides. Trois Anneaux, forgés à l'insu de Sauron, allèrent aux Elfes, bien qu'ils restaient liés à l'Unique.

Débuta alors la guerre des Elfes contre Sauron. Le royaume d'Eregion fut détruit, mais les Anneaux furent sauvés. Puis Sauron étendit son pouvoir sur l'Est et le Sud. Mais à l'Ouest, les Dúnedain survivants du Númenor, menés par Elendil et ses fils, fondèrent les royaumes d'Arnor et de Gondor.

Puis la Dernière Alliance des Elfes et des Hommes fut scellée. Gil-galad, Haut Roi des Noldor, et Elendil, seigneur des Dúnedain, marchèrent contre Sauron. Lors de la bataille de Dagorlad, l'armée ténébreuse fut vaincue et le siège fut porté jusqu'à Barad-dûr. Là, Sauron combati et tua Elendil et Gil-galad, mais fut à son tour défait. Isildur, fils d'Elendil, coupa l'Anneau Unique de la main de Sauron, privant ce dernier de son pouvoir. Mais plutôt que de détruire l'objet maléfique, il le conserva comme un trophée. Ce choix funeste scella le destin du Troisième Âge.

Car l'Anneau ne fut jamais oublié. Isildur périt, l'Anneau disparut, et Sauron, bien qu'affaibli, survécut sous une forme obscure, recouvrant peu à peu des forces. Le monde entra dans une époque de veille inquiète, les Elfes s'étiolèrent, et les Hommes oublièrent progressivement les gloires d'antan.

Malgré les ténèbres croissantes, quelques âmes veillaient. Les Trois Anneaux des Elfes demeuraient cachés. Les héritiers d'Isildur erraient dans le Nord. L'Anneau Unique réapparut un jour, éveillant les forces qui dormaient et annonçant le destin du Quatrième Âge.