J.R.R. Tolkien – Le Livre des Contes Perdus

Dans les jours anciens, bien avant que les contes du Silmarillion ne prennent leur forme définitive, J.R.R. Tolkien conçut un vaste récit mythique que l'on appellerait plus tard le Légendaire. Ce récit prit d'abord la forme du Livre des Contes Perdus, dans lequel un voyageur venu du monde des Hommes, Eriol (ou Ælfwine), abordait l'île enchantée de Tol Eressëa, entre Valinor et la Terre du Milieu.
Accueilli par les Elfes, Eriol fut invité à séjourner dans la Maison des Contes, à Kortirion, où il entendit, soir après soir, les récits des Jours Anciens (les premiers contes des Elfes), confiés à sa mémoire pour qu'il les transmette aux Hommes. Ainsi débuta une suite de récits fondateurs, contés dans une langue archaïque et majestueuse, à la source même de la mythologie d'Arda.
Il entendit d'abord le récit de la Musique des Ainur, chant sacré par lequel le monde fut conçu par Eru Ilúvatar, et la rébellion de Melko, qui y introduisit la discorde. Puis vint l'histoire de la venue des Valar dans le monde, de leur lutte contre Melko, de la création des Lampes et de la première lumière sur Arda.
Eriol écouta ensuite le Conte de l'Habitation de Valinor, la fondation du domaine des dieux à l'ouest du monde, et les merveilles des Deux Arbres, Telperion et Laurelin, dont la lumière nourrissait le pays béni. Puis il entendit le Conte d'Ómar Amillo, du Verbe originel, et la venue des Elfes éveillés sous les étoiles. Il lui fut révélé comment les Valar les appelèrent à Valinor, et comment naquirent les premiers clivages entre les peuples elfiques.
Vint alors le récit de la chute de Melko, de son emprisonnement, puis de sa feinte repentance. Il apprit comment ce dernier sema le mal parmi les Eldar, forgea la haine de Fëanor, et finit par dérober les Silmarils, joyaux qui renfermaient la lumière des Arbres.
Chaque conte résonnait d'un souffle ancien, parfois étrange, souvent archaïque ; car ces récits portaient la trace du tout premier geste mythopoétique de Tolkien. Si certains noms différaient encore (Melko au lieu de Morgoth, Elfin au lieu d'Elfe, Solosimpë au lieu de Teleri), les fondations du Légendaire y étaient déjà posées avec une puissance singulière.
Ainsi le Livre des Contes Perdus fût-il l'origine du Silmarillion. Bien qu'inachevé, il dévoila les premiers visages d'un monde que Tolkien modela toute sa vie durant, dans une quête inlassable d'harmonie, de beauté et de mémoire.