J.R.R. Tolkien – Le Livre des Contes Perdus II

Dans les salles tranquilles de la Maison des Contes, sur l'île enchantée de Tol Eressëa, Eriol poursuivit son écoute. Là, parmi les Eldar, il entendit les récits les plus anciens des Jours Anciens (ceux qui formaient le cœur même du mythe elfique, tels qu'ils furent d'abord conçus).
Il lui fut d'abord conté l'histoire de Turambar et des Foalókë, le plus tragique des contes. Túrin, fils d'Húrin, fut élevé loin de sa maison et grandit dans le deuil et la colère. Porté par un destin cruel, il mena de grands combats contre les monstres de Morgoth, notamment contre Glaurung, le père des dragons. Mais il ne put échapper à la malédiction qui pesait sur lui. Dans l'ignorance et la douleur, il tua son ami, épousa sa sœur et finit par se donner la mort.
Vint ensuite le Conte de la chute de Gondolin, cité cachée des Noldoli. Là, Turgon, roi secret, régnait dans la splendeur, croyant sa cité hors d'atteinte. Mais Maeglin, trahi par la peur et le désir, livra son peuple à l'ennemi. Alors Melko déchaîna sur Gondolin une armée d'Orques, de Balrogs, de dragons et de bêtes immondes. Dans le feu et le sang, la cité tomba, et seuls quelques-uns échappèrent aux ruines, menés par Tuor et Idril.
Le conte suivant narrait la Nauglafring, ou la tragédie du Collier des Nains. Lorsque les Naugrim certirent un collier d'un Silmaril, la convoitise s'empara d'eux comme des Elfes. Le joyau provoqua querelles et massacres, jusqu'à la ruine de Doriath, jadis royaume béni sous le règne de Thingol et Melian.
Enfin, Eriol entendit le récit de la venue d'Eärendel, marin errant des mers du monde. Né de Tuor et d'Idril, il voguait à la recherche d'un salut pour les Hommes et les Elfes. Son périple, semé d'épreuves et d'émerveillements, le mena aux confins d'Arda. Il atteignit finalement les Terres Immortelles, et devint porteur du Silmaril dans les cieux, l'Étoile du Soir, espoir suspendu au-dessus des ténèbres.
Ainsi s'acheva pour Eriol le cycle des Contes Perdus, bien que son propre récit demeurât inachevé. Ces textes, à la langue plus ancienne, portaient encore les marques d'un monde en gestation, où les noms, les formes et les dieux n'avaient pas encore trouvé leur visage définitif. Mais déjà résonnaient les échos de ce qui deviendrait Le Silmarillion, ossature éternelle du Légendaire.