J.R.R. Tolkien – Beowulf : Les Monstres et les Critiques

Dans cet essai devenu fondateur, Tolkien défend la valeur littéraire du poème épique Beowulf, souvent déconsidéré par les universitaires de son temps, qui y voyaient principalement un document historique sur l'ère anglo-saxonne. Selon Tolkien, cette approche négligeait l'essentiel : Beowulf est avant tout une œuvre d'art, une création poétique cohérente et symbolique.
Tolkien soutient que les monstres (Grendel, sa mère, et le dragon) ne sont pas des ajouts puérils ou folkloriques, mais des figures centrales, incarnant le Mal, la fatalité, et la condition humaine face à la mort. Leur présence donne au poème sa dimension mythique et tragique, faisant de Beowulf un héros confronté non pas à des ennemis politiques, mais à des puissances qui menacent l'ordre du monde.
Tolkien affirme que Beowulf parle de la fragilité de la gloire humaine, de l'inéluctabilité de la chute, et de la nécessité du courage face à l'échec. Le poème ne raconte pas l'histoire d'une victoire, mais celle d'un affrontement héroïque contre le destin. Il met ainsi en lumière une vision profondément chrétienne, où le monde est beau mais condamné, et où la vertu consiste à lutter avec noblesse malgré l'issue certaine.
Par cet essai, Tolkien révolutionna les études littéraires sur Beowulf, en affirmant qu'il fallait le lire comme un poème entier, non comme une source fragmentaire d'informations historiques. Il y exprime aussi ses propres conceptions de la mythologie et du héros tragique, annonçant les thèmes majeurs de son propre « Légendaire ».