Chambre de Mazarboul

14 janvier 3019

grimoire

La Compagnie de l’Anneau se tenait en silence devant la tombe de Balin. Frodo pensait à Bilbo, à sa longue amitié avec le nain et à la visite de Balin dans le Comté, longtemps auparavant. Dans cette chambre poussiéreuse au creux des montagnes, on eût dit que cela se passait mille ans plus tôt et à l’autre bout du monde.

Enfin, ils se secouèrent et relevèrent la tête ; et ils se mirent à la recherche de quelque indice qui pût les renseigner sur le sort de Balin, ou leur dire ce qu’il était advenu des siens. Il y avait une autre porte, plus petite, à l’autre extrémité de la pièce, sous le puits de jour. Devant chacune des portes, ils pouvaient à présent discerner de nombreux ossements au sol, et parmi ceux-ci, des épées brisées et des fers de haches, de même que des heaumes et des boucliers fendus. Quelques épées étaient de forme recourbée : des cimeterres d’orques aux lames noircies.

Aux quatre murs se voyaient de nombreuses niches taillées à même le roc, dans lesquelles se trouvaient de grands coffres de bois à armature de fer. Tous avaient été éventrés et pillés ; mais non loin du couvercle fracassé de l’un d’eux, gisaient les restes d’un livre. Tailladé, lardé de coups de couteau et partiellement brûlé, il était si souillé de noir et d’autres taches sombres, semblables à du sang séché, qu’il en devenait presque impossible à lire. Gandalf le ramassa avec précaution, mais les feuillets se craquelèrent et cassèrent quand il le déposa sur la dalle. Il l’étudia quelque temps sans mot dire. Debout à ses côtés, Frodo et Gimli purent voir, tandis qu’il tournait délicatement les pages, qu’elles étaient parcourues de maintes écritures différentes, en runes, tant de la Moria que du Val, et çà et là en lettres elfiques.

Enfin Gandalf leva les yeux. « On dirait là une chronique des heurs et malheurs des gens de Balin, dit-il. Je crois qu’elle a débuté dès leur venue au Val de Ruisselombre il y a près de trente ans : les pages portent des chiffres qui semblent se rapporter aux années écoulées depuis leur arrivée. La page du dessus est numérotée un – trois : il en manquerait donc au moins deux pour commencer. Écoutez bien !

« Nous avons chassé les orques de la grande porte et de la salle – je pense ; les mots qui suivent sont brouillés et brûlés, probablement de garde – nous en avons tué beaucoup sous le brillant – je crois – soleil du val. Flói a été tué dune flèche. Il a terrassé le grand. Puis il y a une tache, suivie de Flói sous lherbe près du Miralonde. Puis, une ou deux lignes que je suis incapable de lire. Ensuite : Nous avons élu domicile dans la vingt et unième salle de la section nord. Il y a je ne peux lire quoi. Il est fait mention d’un puits. Ensuite, Balin a établi son siège dans la Chambre de Mazarbul. »

« La Chambre des Archives, dit Gimli. Je suppose que c’est cette pièce où nous nous trouvons. »

« Eh bien, je ne puis lire rien d’autre pour un long bout, dit Gandalf, excepté le mot or, et la Hache de Durin et heaume quelque chose. Puis Balin est maintenant seigneur de Moria. Cela paraît clore un chapitre. Après quelques étoiles, quelqu’un d’autre prend la plume, et je puis voir les mots nous avons trouvé du vrai argent, et plus loin bien forgé, ensuite quelque chose… oui, voilà ! mithril ; et les deux dernières lignes, Óin doit chercher les arsenaux supérieurs de la Troisième Profondeur, quelque chose aller vers louest, une tache, vers la porte de Houssière. »


Gandalf s’arrêta et mit quelques feuillets de côté. « Il y a plusieurs pages du même genre, assez rapidement griffonnées et très abîmées, dit-il ; mais je n’arrive pas à déchiffrer grand-chose dans cet éclairage. Ici, il doit manquer bien des pages, car le premier chiffre devient 5, la cinquième année de la colonie, je suppose. Voyons voir ! Non, elles sont trop souillées et tailladées ; je ne puis les lire. Nous y verrions sans doute plus mieux à la lumière du soleil. Attendez ! Voilà au moins quelque chose : une grande écriture vigoureuse en lettres elfiques. »

« Sans doute celle d’Ori, dit Gimli, regardant par-dessus le bras du magicien. Il écrivait vite et bien, et il se servait souvent des caractères elfiques. »

« Je crains qu’il n’ait eu de terribles nouvelles à rapporter d’une belle main, dit Gandalf. Le premier mot lisible est tristesse, mais le reste de la ligne est oblitéré, à moins qu’elle ne se termine par jour. Oui, ce doit être au jour dhier dixième de novembre Balin seigneur de Moria est tombé au Val de Ruisselombre. Il était parti seul regarder les eaux du Miralonde. un orque la tiré de derrière une pierre. nous avons tué lorque mais de nombreux autres … de lest remontant la rivière Argentine. Le reste est si oblitéré que j’arrive à peine à discerner quoi que ce soit, mais je pense pouvoir lire nous avons barré les portes, et puis pourrons les tenir longtemps si, et ensuite, peut-être, horrible et souffrir. Pauvre Balin ! Il semble avoir gardé moins de cinq ans le titre qu’il s’était donné. Je me demande ce qui est arrivé après ; mais ce serait trop long de déchiffrer les quelques dernières pages. Voici la toute dernière. » Il marqua une pause et soupira.

« C’est d’une lecture funeste, dit-il. Je crains que leur fin n’ait été cruelle. Écoutez ! Nous ne pouvons sortir. Nous ne pouvons sortir. Ils ont pris le Pont et la deuxième salle. Frár et Lóni et Náli y sont tombés. Puis, il y a quatre lignes barbouillées où je puis seulement lire parti il y a 5 jours. Les dernières lignes donnent : l’étang monte jusqu’au mur de la Porte Ouest. Le Guetteur des Eaux a pris Óin. Nous ne pouvons sortir. La fin approche, et puis des tambours, des tambours dans les profondeurs. Je me demande ce que cela signifie. La dernière chose est une série gribouillée de lettres elfiques : ils arrivent. Il n’y a plus rien. » Gandalf s’arrêta et se tint un moment silencieux et pensif.

La Compagnie fut saisie d’une terreur soudaine, et d’une horreur de la chambre. « Nous ne pouvons sortir, marmotta Gimli. Heureusement pour nous que l’étang avait baissé un peu, et que le Guetteur dormait du côté sud. »

Gandalf leva la tête et regarda alentour. « Ils semblent avoir livré un dernier combat entre les deux portes, dit-il ; mais à ce stade, ils ne devaient plus être nombreux. Ainsi prit fin la tentative de reprendre la Moria ! C’était courageux mais insensé. Le temps n’est pas encore venu. Maintenant, je crains qu’il ne soit temps de dire adieu à Balin fils de Fundin. Il devra reposer ici, dans les salles de ses pères. Nous emporterons ce livre, le Livre de Mazarbul ; nous l’examinerons de plus près à un autre moment. Vous feriez mieux de le conserver, Gimli, et de le remettre à Dáin, si vous en avez l’occasion. Cela l’intéressera, même s’il en sera profondément chagriné. Venez, partons ! La matinée est déjà bien avancée. »

« Par où irons-nous ? » demanda Boromir.

« Par où nous sommes venus, répondit Gandalf. Mais nous n’avons pas visité cette salle en vain. Je sais maintenant où nous sommes. Ce doit être ici, comme le dit Gimli, la Chambre de Mazarbul ; et la salle que nous avons quittée doit être la vingt et unième de la section nord. Ainsi nous devons sortir par la grande arche du côté est de la salle, prendre à droite et au sud, et descendre. La Vingt et Unième Salle doit être au Septième Niveau, soit six au-dessus du niveau des Portes. Allons ! Retournons à la salle ! »

J.R.R. Tolkien