Trou des trolls pétrifiés

17 octobre 3018

grimoire

Parvenus en bas, ils regardèrent derrière le tournant et virent que le sentier se prolongeait sur un espace plat situé sous une falaise basse et surplombée d’arbres. Une porte entrebâillée s’ouvrait dans la paroi rocheuse, se tenant de travers sur une seule grande charnière.

Tous s’arrêtèrent devant la porte. Il y avait derrière une grotte ou une cave aménagée dans le roc, mais l’obscurité ne laissait rien voir de son intérieur. Sam, Merry et l’Arpenteur, poussant sur la porte de toutes leurs forces, parvinrent à l’entrouvrir un peu plus, puis l’Arpenteur entra avec Merry. Ils n’allèrent pas bien loin, car beaucoup de vieux ossements gisaient sur le sol, et rien d’autre ne se voyait près de l’entrée, hormis de grandes jarres vides et quelques pots cassés.

« Assurément un repaire de trolls, s’il en est ! dit Pippin. Allons, vous deux ! Sortez vite de ce trou et allons-nous-en. On sait maintenant qui a tracé ce sentier – et on ferait mieux de le quitter au plus vite. »

« Ce ne sera pas nécessaire, je pense, dit l’Arpenteur en sortant. C’est certainement un repaire de trolls, mais il semble abandonné depuis longtemps. Je ne crois pas qu’il y ait rien à craindre. Mais continuons de descendre prudemment, et nous verrons bien. »

Le sentier se poursuivait depuis la porte : tournant de nouveau à droite, il traversait l’espace plat et plongeait dans une pente densément boisée. Pippin, ne voulant montrer à l’Arpenteur qu’il avait encore peur, alla de l’avant avec Merry. Sam et l’Arpenteur suivaient de chaque côté du poney de Frodo, car le sentier était maintenant assez large pour quatre ou cinq hobbits marchant de front. Mais ils ne marchaient pas depuis bien longtemps que Pippin revint en courant, suivi de Merry. Ils semblaient tous deux terrifiés.

« Il y a des trolls ! s’écria Pippin, haletant. Dans une clairière non loin en bas. On les a aperçus à travers les troncs d’arbres. Ils sont très gros ! »

« Nous allons aller les voir », dit l’Arpenteur, ramassant un bâton. Frodo ne dit rien, mais Sam parut effrayé.


Le soleil avait beaucoup monté : il rayonnait à travers les branches à demi dénudées, jetant de brillantes taches de lumière dans la clairière. Ils s’arrêtèrent soudain au bord et regardèrent furtivement entre les troncs d’arbres, retenant leur souffle.

Les trolls se tenaient là : trois gros trolls. L’un d’eux était penché ; les deux autres le regardaient fixement.

L’Arpenteur s’approcha d’un air indifférent. « Debout, vieille pierre ! » dit-il, et il brisa son bâton sur le dos du troll penché.

Rien ne se produisit. Les hobbits stupéfaits étouffèrent un cri ; puis, même Frodo se mit à rire. « Eh bien ! dit-il. Nous oublions notre histoire familiale ! Ce doit être les trois mêmes trolls que Gandalf a surpris en train de se disputer sur la meilleure façon de cuire treize nains et un hobbit. »

« J’étais loin de me douter que nous étions dans les parages ! » dit Pippin. Il connaissait bien cette histoire. Bilbo et Frodo l’avaient souvent racontée ; mais en fait, il n’y avait jamais cru qu’à moitié. Il continuait d’ailleurs à observer les trolls de pierre avec suspicion, se demandant si quelque magie ne pourrait pas les ramener soudain à la vie.

« Vous oubliez non seulement votre histoire familiale, mais tout ce que vous avez jamais su à propos des trolls, dit l’Arpenteur. Nous sommes en plein jour, le soleil brille, et vous essayez de me faire peur avec vos histoires de trolls vivants prêts à nous accueillir dans cette clairière ! En tout cas, vous auriez pu remarquer que l’un d’entre eux porte un vieux nid d’oiseau derrière l’oreille. C’eût été un ornement des plus inhabituels pour un troll ! »

Tous rirent de bon cœur. Frodo sentit son courage ressusciter : le souvenir de Bilbo et de sa première aventure (couronnée de succès) lui réchauffait le cœur. Le chaud soleil, aussi, lui apportait quelque réconfort, et la brume qui lui voilait la vue semblait se dissiper un peu. Ils se reposèrent quelque temps dans la clairière des trolls et prirent leur repas de midi à l’ombre de leurs jambes épaisses.

J.R.R. Tolkien