Gorge de Helm

3 mars 3019

grimoire

Éomer et Aragorn se tenaient côte à côte sur la Muraille de la Gorge. Ils entendirent le rugissement de voix et le choc sourd des béliers ; puis, en un éclair de lumière, ils virent le péril qui menaçait les portes.

« Venez ! dit Aragorn. Voici l’heure où nous tirons l’épée ensemble ! »

Courant comme des flammes, ils filèrent le long du mur et grimpèrent rapidement l’escalier jusque dans la cour extérieure sur le Rocher, entraînant quelques bons ferrailleurs à leur suite. Dans un coin de la muraille du fort du côté ouest, où l’escarpement s’avançait à sa rencontre, s’ouvrait une petite poterne. De là, un étroit sentier en corniche revenait par l’extérieur du fort jusqu’à la grande porte, entre la muraille et le bord escarpé du Rocher. Ensemble, Éomer et Aragorn s’élancèrent par la porte, talonnés par leurs hommes. Leurs deux épées jaillirent du fourreau, brillant de concert.

« Gúthwinë ! cria Éomer. Gúthwinë pour la Marche ! »

« Andúril ! cria Aragorn. Andúril pour les Dúnedain ! »

Chargeant par le flanc, ils se jetèrent sur les hommes sauvages. Andúril s’élevait et retombait, luisant d’une flamme blanche. Un cri monta des murs et de la tour : « Andúril ! Andúril part en guerre. La Lame qui fut Brisée luit de nouveau ! »

Atterrés, les assaillants laissèrent tomber leurs béliers et se retournèrent afin de livrer bataille ; mais le mur de leurs boucliers fut rompu comme par un coup de tonnerre, et ils furent balayés, abattus, ou précipités dans la rivière pierreuse au pied du Rocher. Les archers orques décochèrent au hasard et s’enfuirent.


Éomer et Aragorn s’arrêtèrent un moment devant les portes. Le tonnerre grondait au loin, à présent. Des éclairs clignotaient encore dans les distantes montagnes du Sud. Un vent pénétrant soufflait de nouveau au nord. Parmi les nuages déchiquetés flottant à la dérive, des étoiles apparurent ; tandis qu’au-dessus des collines, du côté de la Combe, la lune poursuivait sa course vers l’ouest et luisait avec un miroitement jaune parmi les épaves orageuses.

« Nous ne sommes pas venus trop tôt », dit Aragorn en voyant les portes. Leurs grandes charnières et ferrures étaient tout arrachées et gauchies ; plusieurs madriers étaient fendus. « Les portes ne résisteront pas à un second assaut de cette sorte. »

« Mais nous ne pouvons rester hors les murs pour les défendre, dit Éomer. Regardez ! » Il montra la chaussée. Déjà, une multitude d’Orques et d’Hommes se rassemblaient par-delà la rivière. Des flèches piaulèrent et rebondirent sur les pierres autour d’eux. « Venez ! Il faut retourner au-dedans, et voir si nous pouvons empiler poutres et pierres derrière les portes. Venez, venez ! »

Ils firent volte-face et partirent en courant. Au même moment, une douzaine d’Orques, restés immobiles parmi les corps, se levèrent d’un bond et les suivirent d’un pas rapide et furtif. Deux d’entre eux se jetèrent au sol sur les talons d’Éomer et le firent trébucher : en un instant, ils étaient sur lui. Mais une silhouette sombre et courte, que personne n’avait remarquée, surgit des ombres avec un cri rauque : Baruk Khazâd ! Khazâd ai-mênu ! Une hache fendit l’air puis revint. Deux Orques tombèrent décapités. Les autres s’enfuirent.

Éomer se redressa avec peine tandis qu’Aragorn revenait précipitamment à sa rescousse.


J.R.R. Tolkien